Le projet MARGEC - The MARGEC project
Le programme MARGEC – « Marginalité, économie et christianisme. La vie matérielle des couvents mendiants en Europe centrale (v. 1220 - v. 1550) » – a bénéficié du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (projet ANR-12-BSH3-0002, 2012-2016) et se poursuit sans limite de durée. Coordonné par Marie-Madeleine de Cevins, il réunit une trentaine de chercheurs européens – historiens, archéologues, historiens d’art –, dont l’objectif est d’examiner le discours et surtout les pratiques économiques des couvents mendiants masculins d’Europe centrale – Bohême et Moravie, Pologne et Hongrie dans leurs frontières tardo-médiévales – à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque moderne. Ils tentent de déterminer si, comme dans des régions plus urbanisées telles que la France méridionale ou la péninsule italienne, la pauvreté volontaire y a été un facteur de régulation économique et sociale par l’impulsion décisive qu’elle donnait à la circulation des richesses, dans une perspective eschatologique.
Objectifs du programme
L’enquête Économie et religion lancée par Nicole Bériou et Jacques Chiffoleau de 2001 à 2009 pour explorer l’« économie réelle » des couvents mendiants entre les XIIIe et XVe siècles a montré – à partir d’exemples principalement français et italiens – que la pauvreté volontaire pouvait être facteur de régulation économique et sociale, par les pratiques des frères comme par leur discours prônant la circulation des biens temporels et spirituels. Ce constat vaut-il pour l’Europe centre-orientale, faiblement urbanisée, dominée socialement par le groupe nobiliaire et ébranlée par le hussitisme ? Telle est l'interrogation qui sous-tend le projet MARGEC.
Son objectif est d’analyser le fonctionnement matériel des quelque quatre cents couvents mendiants masculins implantés en Europe centrale entre les années 1220 et 1550, en vue de faire la lumière sur l’état des biens communautaires, le cadre de vie des religieux et in fine sur leur contribution à la dynamique des échanges de biens matériels contre des bienfaits spirituels ou, plus largement, sur leur participation à l'"économie du sacré" en contexte chrétien. Les travaux, appuyés sur des sources textuelles et non textuelles, privilégient l'approche comparative à l'échelle de l'Europe latine.
Outils mis en œuvre
Pluridisciplinaire puisqu’il fait appel à des historiens aussi bien qu’à des archéologues et à des historiens d’art, le projet MARGEC franchit la barrière académique qui sépare, en France, les périodes médiévale et moderne, afin de coller aux réalités centre-européennes. Il opère un troisième décloisonnement en impliquant étroitement chercheurs français et chercheurs de huit nationalités différentes.
Une organisation fédérative à trois niveaux garantit la cohérence des activités menées par ceux-ci : (I) un comité scientifique, noyau formé des responsables des trois organismes de recherche engagés dans le projet MARGEC – le CERHIO [devenu entretemps l'unité de recherche Tempora, à l'université Rennes 2], sous la coordination de Marie-Madeleine de Cevins, et le CHEC (Université Clermont Auvergne), sous la coordination de Ludovic Viallet, en tant que partenaires français, la Central European University (Budapest) comme partenaire institutionnel non français et autofinancé, sous la coordination de Gábor Klaniczay ; (II) des équipes géographiques, coordonnées chacune par le représentant de l’une des (5) institutions européennes associées à titre secondaire au projet ; (III) enfin, des collaborateurs individuels recrutés au gré des besoins.
La méthodologie mise en œuvre est à la fois inductive (de manière à s’affranchir des jugements de valeur véhiculés par les sources normatives et polémiques), comparatiste (entre aires tchèque, polonaise et hongroise, ainsi qu’avec les couvents allemands tout proches mais aussi avec ceux des régions atlantiques et méditerranéennes, ou encore avec les établissements monastiques), diachronique (afin de repérer les ruptures provoquées par la diffusion des courants réformateurs pré-hussites, observants puis luthériens ainsi que par l’avance ottomane) et synchronique (pour faire ressortir les différences entre ordres mendiants et mesurer l’impact de l’environnement socio-économique sur le fonctionnement des couvents).
L'analyse s'appuie en priorité sur les sources de la pratique (sources écrites, archéologiques et iconographiques). Elle confronte leurs données avec le discours que tenaient les frères (centre-européens ou non) sur la pauvreté volontaire, discours qui plaçait celle-ci au coeur de leur identité de mendicantes.
Trois grilles de lecture ont été privilégiées :
- Les couvents mendiants et la terre
- La pauvreté au quotidien
- L'insertion des frères mendiants dans l'économie du sacré.
Rencontres scientifiques
Les travaux du groupe MARGEC ont été jalonnés par six rencontres successives :
- 3 ateliers techniques :
- Bilan historiographique (Rennes, 18 novembre 2011), organisé par M.-M. de Cevins (programme)
- Pour un inventaire des sources textuelles (Prague, 25 mars 2013), organisé par L. Viallet (programme)
- Présentation des sources non textuelles (Budapest, 21-22 novembre 2013), organisé par J. Laszlovszky (programme)
- 3 ateliers ou colloques thématiques :
- Les couvents mendiants et la terre en Europe centrale (Clermont-Ferrand, 23 juin 2014), organisé par M.-M. de Cevins, J.-L. Fray, L. Viallet (programme)
- La pauvreté au quotidien (Wrocław, 21-23 mai 2015), organisé par M. Derwich, M.-M. de Cevins et L. Viallet (programme)
- Les frères mendiants dans l'économie du sacré (Rennes, 2-3 juin 2016), organisé par M.-M. de Cevins et L. Viallet (programme)
Réalisations pérennes
Les membres du groupe MARGEC ont élaboré :
- un catalogue historiographique (voir l'onglet "Bibliographie de travail", dans "Bibliographie")
- des matériaux pour dresser un inventaire des sources (voir l'onglet "Sources")
- des cartes numériques des couvents mendiants centre-européens entre les années 1220 et 1550 (voir l'onglet "Cartes")
- une base de données composée des notices de tous les couvents mendiants répertoriés pour lesquels on dispose d'informations économiques (voir l'onglet "Notices") ; la base est à ce jour inachevée (progression en cours) ; elle est déjà interrogeable par l'onglet "Recherches", et géoréférencée (voir "Carte actuelle", sous l'onglet "Cartes") ; elle est continuellement enrichie au fil des découvertes documentaires
- des publications collectives faisant suite aux rencontres scientifiques organisées dans le cadre du programme et des publications individuelles.(voir l'onglet "Bibliographies" / "Publications du groupe MARGEC").
Ces réalisations ont vocation à inspirer les enquêtes à venir portant sur le même objet ainsi que sur d'autres espaces, ordres religieux et périodes historiques.